POUR UN CLIMATO-CLITO ACTIVISME !
Une nouvelle forme d’écoféminisme ?

Dora Moutot
5 min readMar 16, 2019

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Via “la marche du siècle”, j’observe depuis quelques jours un nouveau mouvement: le cli-cli, climat + clito.

Il s’agit de la convergence de deux sujets de société bouillant, de deux luttes : le réchauffement climatique et la libération de la sexualité féminine.

C’est donc l’occasion de revenir sur les concepts écoféministes.

Alors, l’écoféminisme c’est quoi ?

L’écoféminisme est un courant du féminisme, né dans les années 70, qui voit une corrélation entre l’oppression des femmes et la destruction de la nature.

Selon les écoféministes, c’est la même culture, patriarcale et capitaliste (on parle de patriarcat capitaliste), ce même modèle de civilisation, qui, à la fois, impose un rapport d’oppression envers les femmes et qui détruit l’environnement.

Les deux problèmes viendraient donc de la même racine, c’est pourquoi les écoféministes pensent qu’il est logique d’aller vers une convergence des deux luttes. Les femmes, comme la nature, seraient victimes de la domination masculine.

Dans ce système capitaliste et patriarcal, on aurait donc essayé de tuer « la femme sauvage ». La figure ancestrale de la sorcière, de la semencière, de la femme protectrice et guérisseuse, gardienne de la nature, aurait été enterrée. Car dans ce système, les femmes sont considérées comme inférieures, car elles font partie de la nature. De la même façon dont on contrôle les femmes et leur sexualité et où l’on cherche à les posséder telle une propriété, on cherche à contrôler, à posséder la nature et à en faire une propriété.

« La vie sauvage et la femme sauvage sont deux espèces en voie de disparition. À travers le temps, nous avons vu que la nature féminine instinctive était pillée, saccagée et envahie de constructions. Pendant de longues périodes, elle a été malmenée au même titre que la vie sauvage et la nature » écrit Clarissa Pinkola Estés dans son livre « Femmes qui courent avec les loups ».

Une des idées de l’écoféminisme est de considérer que la nature est maltraitée parce qu’elle a été considérée comme féminine par des penseurs influents tels que Descartes ou Bacon, qui ont beaucoup parlé de la nature comme si elle était femme. On dit d’ailleurs pour parler des colonisateurs« qu’ils ont pénétré des terres vierges ». Parle-t-on alors de la nature ou de femmes ?

L’écoféminisme est souvent critiqué par les mouvements queer à cause de sa pensée très « essentialiste », ce qui veut dire que certaines écoféministes pensent qu’il existerait par essence une nature féminine et une nature masculine, ce qui est une perception relativement traditionaliste qui ne prend pas en compte la théorie du genre.

Les écoféministes se réapproprient des activités de femmes qui ont été dénigrées et célèbrent les qualités dites « féminines », telles que l’empathie, la douceur, etc. qui ont été bafouées par la société. On parle de dévalorisation et revalorisation du « care ».

« Les systèmes patriarcaux font passer l’agression pour le vrai pouvoir, et nient les pouvoirs que représente par exemple le fait de créer ou de prendre soin. Je ne crois pas que les hommes soient naturellement plus agressifs ; mais le pouvoir de l’agression leur est assigné. D’autres formes de pouvoir sont tout aussi faussement attribuées aux femmes et systématiquement dévaluées. » explique Starhawk, qui a écrit « Rêver l’obscure, femmes, Magie et politique »

La notion de « féminin sacré » est explorée par les écoféministes spiritualistes. Selon elles, il existerait une force féminine créatrice divine. Pour les écoféministes, la crise qu’on traverse actuellement est donc à la fois une lutte sociale et politique, mais aussi une crise spirituelle…

Starhawk dit « le symbolisme de la déesse n’est pas une structure parallèle au symbolisme de dieu. La déesse ne dirige pas le monde. Elle est le monde. Elle se manifeste dans chacun de nous. Elle peut être connue intérieurement par chaque individu, dans sa magnifique diversité. La déesse n’est pas séparée du reste du monde. Elle est le monde et dans toutes les choses. Lune, soleil, terre, étoiles, pierres, graines, rivière, vent, feuilles et branches, bourgeons et fleurs, crocs et griffes, femmes et hommes »

L’écoféminisme croit donc à l’interconnexion de toutes les formes du vivant, et ne croit pas au système hiérarchique actuellement en place où l’homme tout puissant est au-dessus de la nature.

« L’écoféminisme est un bon terme pour distinguer un féminisme qui est écologique, de féminismes devenus extrêmement technocratiques. Je dirais même patriarcaux » dit l’activiste Vandana Shiva,autrice de “Pour une désobéissance créatrice”.

L’idée de ce féminisme n’est donc pas d’uniquement atteindre l’égalité homme-femme dans une société aux valeurs patriarcales, mais de totalement recréer un nouveau système de valeurs.

« Je ne veux pas simplement remplacer les personnes au pouvoir, je veux transformer les systèmes de pouvoir. On doit apprendre à reconnaître que c’est un grand pouvoir de s’occuper d’un·e enfant ou d’un jardin, bien plus que de tirer sur quelqu’un·e. Regardez Wonder Woman, les seuls pouvoirs qu’elle mobilise sont ceux de l’agression : elle peut se défendre et tuer » explique Starhawk.

« Nous allons avoir un futur ou les femmes ouvrent la voie pour faire la paix avec la terre, ou nous n’aurons pas de futur humain du tout » dit Vandana Shiva. Selon elle, cette révolution qui passera par les femmes,permettra de retrouver le lien avec la terre, une alimentation saine, la paix et la démocratie. Ce sont donc les femmes qui reprennent leurs pouvoirs afin de « prendre soin du monde », en réorganisant la société à travers une nouvelle forme d’économie, dite régenerative.

Quelques références :

  • Rêver l’obscure, femmes, Magie et politique, Starhawk
  • Femmes qui courent avec les loups, Clarissa Pinkola Estes
  • La puissance du féminin, Camille Sfez
  • Sorcière, la puissance invaincue des femmes, Mona Chollet
  • Reclaim, recueil de textes écoféministes
  • Pour une désobéissance créatrice, Vandana Shiva

Des mots clés à rechercher pour aller plus loin :

  • Deep ecology
  • Deep green resistance
  • Regenerative cultures
  • Féminin sacré
  • Cercles de femmes

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